Il en a fallu du temps pour que ce petit coin de pays se défasse du souvenir de l'effroyable fait divers qui l'a marqué au cours de l'été 2002. Dans les quotidiens et les hebdos nationaux, au journal télévisé, bien évidemment dans la presse à sensation : il est passé partout. À nous, habitants acharnés ou passionnés de cette terre dépeuplée, il a fait une publicité mauvaise et morbide ; beaucoup de gens aujourd'hui encore ne connaissent notre région que par cette triste chronique.
La France profonde. La misère sociale. Une population locale issue de générations entières de consanguins ou d'alcooliques, les deux le plus souvent, dans un environnement semi-montagneux où la dispersion et la rareté de l'habitat ont trop longtemps restreint les échanges et la communication. Voilà ce qu'on en a dit dans les médias. Voilà ce que la nation en a retenu. Merci aux journaleux.
Cela étant, cette affaire qui nous a agités toute une saison a aussi constitué un formidable argument touristique. Car il n'y a rien ici, misérablement rien, que de la campagne et des vallons, de la roche et des chemins de randonnée. Alors bien sûr quelques hôteliers avisés ont saisi l'occasion de créer le «circuit de la terreur», une boucle de quatorze kilomètres inaccessible aux autos et aux deux-roues, privilège des marcheurs, des chevaux et des ânes. Il va sans dire qu'en prenant la route du haut et moyennant un bon détour, on pouvait y aller en voiture. Mais c'aurait été passer à côté de la peur. Et c'est bien pour cela que l'on venait des quatre coins de la France et même, ici et là, de Belgique, des Pays-Bas ou d'Allemagne : pour sentir l'horreur qui suintait de cette épouvantable histoire. Non, ce qu'il fallait absolument, c'était prendre le forfait journée, celui avec le guide et le conteur. Frissons garantis, et les détails valaient le prix à aligner - quarante euros sans le pique-nique.
Détails par ailleurs purement inventés, fantasmes.
Personne ne savait ce qui s'était vraiment passé.
Ça a marché un an, un an et demi. Après, l'intérêt est retombé.
Je pense souvent à cette histoire le soir quand le dernier patient a quitté mon bureau et que je regarde le parc désert depuis la fenêtre entrouverte. «L'affaire Théo Béranger», comme l'ont appelée les médias, j'en ai été témoin et j'aurais payé cher à l'époque pour être ailleurs. Mais elle m'a prise de plein fouet, elle m'a jeté sa brutalité au visage. Parfois j'ai encore du mal à croire qu'il y a des hommes assez fous pour en arriver là ; et pourtant j'en ai vu défiler, des détraqués, en vingt ans d'exercice. Tous m'ont prouvé, les uns après les autres, que les histoires vraies dépassent l'imagination dans ce que l'homme peut avoir de déséquilibré et de dangereux.
Car ceci est une histoire vraie.
La première fois que j'ai rencontré Théo Béranger, j'avais lu son dossier bien sûr, histoire de voir à quoi je m'attelais. Ce type était un beau salaud. Un violent, au bord du gouffre en permanence, comme un joueur addictif : incapable de s'arrêter. Le genre d'homme dont on sait que s'il tourne le dos à la violence, c'est elle qui viendra à lui.
Enfant, j'ai toujours adoré les contes. En quelque sorte, Des noeuds d'acier commence de la même façon : un endroit perdu au fond d'une forêt. Au fond de la forêt il y a une vallée, au fond de la vallée il y a une maison, et dans la maison, il y a une cave. Là, je le concède, ce qui suit n'est plus une histoire pour les enfants. Théo, la quarantaine brutale, a été séquestré au cours d'une des longues randonnées qu'il affectionne : on lui propose un café, il accepte... et puis le grand trou noir. L'ironie, c'est que ce sont deux vieillards qui l'ont piégé, des petits vieux pas vaillants, le genre qui marche à petits pas à cause de l'arthrose. Mais le fusil est de leur côté. Ce qui commence alors est un sinistre apprentissage. On ne lui parle pas, à Théo : on le siffle comme un chien. D'ailleurs jamais, au cours des 15 mois qui vont suivre, on ne lui demandera son nom. La seule chose qu'on exige de lui, c'est un travail harassant. Un travail de chien, quoi. Aux portes de l'enfer.
Pourtant je l'aime bien, Théo, il a des côtés qui font écho en moi, même si c'est un sale type. Seulement moi, j'ai une mère qui m'a toujours dit de ne pas me promener seule dans la forêt, et cela m'est resté. Lui, sa mère l'a abandonné petit, ceci explique peut-être cela. Mais à se croire invincible, il y a toujours un moment où l'on fait un faux pas. La prochaine fois il fera attention. S'il s'en sort, parce que c'est mal engagé pour lui...
Sandrine Collette
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