Extrait:
Extrait de l'introduction :
La presse est globalement de gauche, non pas socialiste, non pas partisane, mais culturellement de gauche. Nicolas Sarkozy, Le Nouvel Observateur, 13 décembre 2007.
Tous les médias sont-ils de droite ? Évidemment, non. Du moins si l'on s'en tient aux orientations politiques qu'ils affichent. Les médias de parti pris, comme la presse écrite nationale, couvrent un spectre politique suffisamment large pour que les zélateurs de cet affichage puissent être rassurés. Quant aux médias de consensus - entendons tous ceux qui, à l'instar des radios et des télévisions généralistes, s'efforcent de fédérer les publics les plus larges -, il est difficile de les prendre en flagrant délit d'engagement partisan à sens unique.
Mais, justement, ces médias de consensus désamorcent par leurs priorités éditoriales, et particulièrement par leur mise en mots et en images des questions sociales, les conflits politiques qu'il leur arrive de mettre en scène. Ils montrent ces questions et ces conflits sous un jour tel qu'il est légitime de se demander quelle politique cette présentation favorise. Leur programme ? Une politique dont la langue neutralise les sens. Exemple : quand on évoque des «réformes» sans même se demander si elles sont indexées sur le progrès ou la régression sociale. Et cela ne serait ni de gauche, ni de droite ?
Les recettes des radios et des télévisions sont souvent couchées sur le papier par les médias de parti pris. Et cela serait sans conséquence ? Les orientations politiques affichées (ou dissimulées) ne sont pas tout : les pratiques journalistiques engagent politiquement au moins autant, fût-ce à contresens des intentions proclamées. Et cela serait sans incidence ?
Les campagnes électorales donnent l'occasion d'observer la couleur politique non seulement des prises de positions, mais du traitement médiatique lui-même. L'élection présidentielle de 2007 offre d'abondants matériaux pour une telle observation. Vers quelle conclusion ? La plupart des médias contribuent à mutiler le débat - c'est-à-dire le conflit démocratique - dont ils se prétendent les acteurs et les arbitres.
Toutefois, ils ne sont pas tout-puissants (qu'on se souvienne du référendum de 2005), et leur «pouvoir» s'exerce rarement de façon autonome, mais en conjonction avec d'autres «pouvoirs» : économiques, sociaux ou politiques. Les médias ne font pas l'élection, mais ils jouent un rôle dans les élections.
Ce pouvoir s'exerce d'autant moins isolément que, depuis longtemps, la professionnalisation de la vie politique et celle du journalisme politique se conjuguent et renforcent leurs effets. Mais surtout, le traitement médiatique de l'élection présidentielle se «coule» en quelque sorte dans les institutions de la 5e République, dont le présidentialisme originaire a été accentué par l'élection au suffrage universel à deux tours et l'alignement de cette élection sur celle des députés à l'Assemblée nationale. Cette élection favorise le bipartisme et la personnalisation : deux raisons parmi d'autres de s'interroger sur son caractère effectivement démocratique, comme l'ont fait jadis tous les partis politiques de gauche, conscients que les institutions de la 5e République et ses modes de scrutin imposaient des modalités de conquête et d'exercice du pouvoir incompatibles avec un authentique projet de transformation sociale. S'il n'appartient pas à la critique des médias de se prononcer sur ce point, il est légitime de mettre en question la partition que les médias interprètent dans ce cadre.
Qu'ils prescrivent des opinions ou se portent garants du consensus, les médias dominants non seulement se comportent en gardiens du statu quo, mais accentuent les tendances les plus négatives inscrites, plus ou moins en pointillé, dans le mécanisme même de l'élection présidentielle.
Les informations fournies dans la section « A propos du livre » peuvent faire référence à une autre édition de ce titre.